La BD et les arts de la scène
Les arts de la scène, rejoignant les arts visuels par sa multiplicité, regroupent le théâtre, la danse, le mime et le cirque. Ce sont des expressions du spectacle vivant.
Si les adaptations de la bande dessinée vers les arts de la scène sont moins fréquentes que dans d’autres arts, elles ne sont pourtant pas moins bien présentes. On peut penser à la BD Extases de Jean-Louis Tripp (2017, Casterman) joué au Festival Off d’Avignon en 2019.
La bande dessinée franco-belge n’est pas en reste et le personnage de Tintin fut mis en scène pour la première fois au théâtre en 1941 avec la pièce Tintin aux Indes, le mystère du diamant bleu, co-écrite par Hergé et Jacques Van Melkebeke.
Si dans ses relations avec la bande dessinée, le théâtre est l’art de la scène le plus fécond, la danse prospère elle aussi.
Des comédies-ballets et des comédies musicales voient le jour, mettant en scène les héros de bandes dessinées américaines. Little Nemo (voir à gauche) de Winsor McCay (1905-1914, New-York Herald) fut produit à Broadway et resta à l’affiche 15 semaines avant de partir en tournée.
Plusieurs histoires de Rodolphe Töpffer ont également suscitées des adaptations, et la Compagnie Caroline Gautier monte en 1991 une comédie-ballet d’après Les Amours de Monsieur Vieux Bois (1837) de Rodolphe Töpffer, considérée comme la première bande dessinée connue. Ce spectacle est né de la rencontre entre un chorégraphe, un peintre, un compositeur et un danseur. Pour Caroline Gautier « Renonçant d’un commun accord à reproduire sur scène ce qui se lit admirablement dans les albums de Töpffer, nous avons opté pour une forme de spectacle résolument contemporaine où divers langages artistiques se superposent en conservant une relative autonomie ». Ceci illustre à merveille les échanges entre les arts et ce qu’ils peuvent retirer les uns des autres.
Rodolphe Töpffer : premier théoricien du 9e art
Politicien, écrivain et auteur de bande dessinée suisse, Rodolphe Töpffer est considéré comme le premier théoricien du 9e art. C’est lui qui pointe les similarités entre les gestuelles du théâtre et de la bande dessinée, liées aux contraintes des genres. Pour faire comprendre une émotion, il faut l’exagérer afin qu’elle soit compréhensible. Le poing levé ou les mains sur les hanches pour la colère, le menton haut et le nez levé pour le mépris… Ne pouvant jouer sur les intonations de voix, le bédéiste est obligé d’exacerber le geste. Inventeur de la littérature en estampes et auteur dramatique, Rodolphe Töpffer s’inspirait des acteurs pour rendre ses personnages réalistes et, n’étant pas bridé par la nécessité d’être vraisemblable, forçait le trait.
Voir la bande dessinée
La représentation de la réalité est une autre des similarités. Il y a une réflexion faite sur la matérialité de la scène théâtrale et des cases d’une bande dessinée, toutes deux réduites à un espace restreint et censées accueillir la réalité d’un metteur en scène ou d’un bédéiste, malgré les limites imposés par le genre. En effet, la bande dessinée, comme le théâtre, ont un cadre, qui énonce doublement la représentation. En exprimant l’art, ils montrent l’espace de représentation sur lesquels ils présentent cet art. La séquentialité propre au genre de la bande dessinée se retrouve d’ailleurs dans la séquentialité théâtrale, séparée en scènes et en actes, ce dont le spectateur est tout à fait conscient.
Cette action de montrer est importante, puisque la notion de regardant/regardé, qui a également lieu en bande dessinée, la rapproche de l’art de la représentation, de la mise en scène, qui dépend de la relation entre la scène et la salle.
Rapprocher l’acte de montrer à la bande dessinée n’est d’ailleurs pas si étrange. En Corée, on ne lit pas une bande dessinée, on la voit. De même, on parle facilement de la théâtralité dans la bande dessinée, notamment dans le manga, où les sentiments et les comportements semblent encore plus exacerbés, tout du moins pour un œil occidental.
La bande dessinée, par son support, est comparable au cahier des charges d’une pièce de théâtre. On retrouve l’importance de l’oralité, qui se traduit sous forme de dialogues, à la différence que dans un cas ils sont écrits pour être lu, et dans un autre pour être dits.
Envie d’en savoir plus ?
- Joséphine Baker, José-Louis Bocquet et Catel (2016, Casterman)
- Polina, Bastien Vivès (2011, Casterman)
- Blitz, Floc’h et François Rivière (1983, Albin Michel)