Place au jury | Bédélys indépendant francophone
Les finalistes sélectionnés pour cette catégorie se doivent d’avoir autoédité leurs œuvres au Québec.
Les membres du jury sont des gens œuvrant dans le milieu du livre, soit en éducation, en recherche ou dans l’univers des bibliothèques et librairies.
Les textes qui suivent présentent un bref résumé des impressions de tous les membres du jury. Sans plus tarder, voici les raisons derrière cette sélection parmi les meilleures BD indépendantes francophones parues en 2020 au Québec.
Boumeries volume 10
De Boum
Le dixième volume de Boumeries conclut la série avec un constat gracieux du chemin parcouru, une famille aimante, la communauté de bande dessinée québécoise en essor, les amitiés qui viennent agrémenter la vie et la route vers les toilettes de notre imaginaire. Ce qui frappe de cette finale est la finesse des formes, le maniérisme des gags et l’habileté avec la forme du « strip » qui s’est forgée au fil des années. La fin de Boumeries est représentative de tout ce qu’on pouvait espérer pour l’artiste. S’en dégagent un sentiment d’accomplissement ainsi qu’une maîtrise à la hauteur des plaisirs qu’elle nous a offerts au cours des années.
Grosses colères
De Val-Bleu
Grosses colères est un travail sensible entre le familier et l’étrange. Puisant dans une encyclopédie visuelle exotique, Val-Bleu met en scène des combats, des confrontations et des luttes très familières de manière à nous faire réfléchir autrement aux dynamiques de pouvoir qui s’exercent dans nos vies. Que les personnages soient lézards ou oiseaux, c’est dans la profondeur des situations, ainsi que le péril qu’elles représentent, que nous comprenons que cette œuvre n’est pas une simple métaphore, mais plutôt qu’elle exploite la force de la bande dessinée pour interroger ces tensions de pouvoir qui existent dans le monde.
Kalipso volume 1
De Marie Blanchet
Le premier volume de Kalipso nous entraîne dans un univers science-fictionnel déroutant, dans le sens le plus positif du terme. Dès le départ, le lecteur est immergé dans ce monde dont il découvrira les contours au fur et à mesure. S’y croiseront tour à tour des combattants mystérieux, des loutres en sarrau et des extraterrestres-plantes aux intentions douteuses. L’intrigue regorge de créativité, appuyée par des dialogues remplis d’un humour décalé. Par ailleurs, l’utilisation du bichrome, avec une couleur différente d’un chapitre à l’autre, permet de marquer les changements de lieux et d’ambiance de façon efficace. On navigue ainsi de surprise en surprise… de quoi piquer la curiosité pour la suite!
Le feu des jours
De Colin Effray
Le feu des jours : Conte métaphorique est la promesse d’une aventure déroutante, mais ô combien captivante! Littéralement happé·e·s par cet univers étrange, nous avons été tout aussi fasciné·e·s par la quête d’Iel. Cherchant à comprendre le monde qui l’entoure, mais surtout, à voir plus clairement ce qu’iel est, Iel quitte son village natal pour trouver sa place. C’est une véritable quête identitaire qu’entame Iel grâce à ce voyage. Sa route a tôt fait de confronter le personnage à une terrible violence, entre autres aux méfaits des Autres, peuple qui vole le sens à la vie et brûle tout sur son passage. Si ce passionnant récit a su charmer le jury, les illustrations ne sont pas en reste. On retrouve dans cette bande dessinée des paysages tout simplement majestueux qui mettent merveilleusement bien en lumière les différentes contrées mystérieuses où s’aventure Iel. Cette première œuvre nous a surpris·e·s et conduit·e·s où nous n’aurions pas cru pouvoir aller. Colin Effray propose ici une œuvre bien ficelée qui nous habite encore, longtemps après sa lecture.
Saperli
De Catherin
Si la première BD de Catherin, Apo, s’attardait au thème de la mort, Saperli nous emmène plutôt du côté de la vie. L’univers onirique de Saperli se déploie tout en rondeurs, sous un trait mignon d’apparence enfantin, mais son récit est solidement soutenu par une structure narrative réfléchie. Les personnages, sortes d’entités animales attachantes aux préoccupations on ne peut plus humaines, traversent plusieurs cycles (journées, saisons, crises, etc.) et poursuivent leur quête de sens. C’est un monde riche aux réflexions universelles qu’on nous donne à voir, l’un qui convoque des sujets connus (l’amitié, la bienveillance, l’humour, l’anxiété), comme dans une fable légère dont on aurait heureusement omis de choisir la morale. Mention spéciale aux clins d’œil à Apo qu’on retrouve avec bonheur, et à la superbe carte (en couleurs!) du monde de Saperli, répartie entre les deuxième et troisième de couverture. Une BD très réussie, par une bédéiste accomplie!